Les livres m’ont toujours
fasciné. Racine, Orwell, Dick, Stephen King, Maurice Leblanc,
Frank Herbert, Daniel Keyes, Jerome Klapka Jerome et bien d’autres encore, dont Hergé,
Georges Bayard ou Enid Blyton dans mes plus jeunes années, ou plus récemment Pierre Lemaitre, Michel Pagel ou Gabriel Katz, m’ont tenu la main à
travers ce fantastique voyage dans le Papier. Ils m’ont fait rire, m’ont fait
frissonner, m’ont ému. Ils m’ont fait découvrir des mondes fabuleux, des
personnages étranges.
Après des années de labeur,
d’apprentissage, de réflexion, de tâtonnements, d’étapes cruciales que nul ne
peut se permettre de brûler, j’en viens enfin à me sentir réellement Conteur à mon tour.
Il m’arrive de
comparer cette progression littéraire avec les stades nippons de la progression martiale ; Shu, Ha et Li.
Shu, le stade de la simple
imitation extérieure, où l’on reproduit une technique sans en comprendre la
finalité, est aussi présente dans un simple mae-geri que dans les premiers mots
hésitants d’une nouvelle bancale.
Avec Ha vient le temps de
l’identification profonde avec la chose enseignée ou perçue. Les coups comme
les tournures de phrase deviennent efficaces.
Mais la finalité, c’est ce Li
mythique, qui permet de contourner les règles (sans jamais les ignorer), de
réinventer l’art pratiqué à son image, de trouver le satori véritable, cet
éveil qui permet d’être conscient de toute chose, de maîtriser réellement sa
plume ou son glaive.
Suis-je parvenu à ce Li
littéraire ? D’une certaine manière, car je sais maintenant ce que je veux
écrire et ce que je souhaite éviter. Je souhaite faire partie de ces Conteurs
qui privilégient personnages et récit et laissent de côté les effets pompeux et ridicules qu'affectionnent une certaine caste d'écrivains à la plume égocentrée. J'espère me situer dans la lignée de cette littérature de genre, de cette Pop Culture que
je respecte et dont j’ai une haute opinion. Car, pour moi, Pop Culture ne
signifie pas « culture au rabais » mais « culture
accessible ». Comme j’ai tenté de le faire dans bien de mes articles, je
souhaite dresser dans mes fictions des passerelles entre des domaines en
apparence éloignés.
Je veux surtout, enfin,
j’espère, qu’un parfait inconnu, quels que soient son âge, son sexe, ses origines,
ses idées reçues, puisse lire l’une de mes histoires et en tirer quelque chose.
Et si ce n’est que du divertissement, une douce parenthèse dans la folie du
réel, alors cela me va très bien. C’est le but premier de mes récits. Divertir.
Faire passer un bon moment. Si cela peut aller plus loin, si la magie de la
rencontre permet au lecteur de s’intéresser à un domaine, développer une
réflexion personnelle, se sentir un peu plus fort, un peu plus libre, alors ce
sera un bonus délectable.
Je me considère comme un
artisan, un magicien qui tente de vous envoûter à distance. Parfois, vous serez
insensibles à mes sorts. Sans doute parce que je m’y serai mal pris. Mais pour
ceux qui entreront dans la danse, dans cet univers tordu et fantastique qui est
le mien, je vous promets une chose et une seule : j’essaierai de ne pas
vous malmener en vain.
Ces coups et ces caresses
virtuelles n’ont qu’un seul but ; enchanter l’encre et le papier pour que
les mots prennent vie. Pour que quelque part, dans votre esprit, une porte
s’ouvre vers des lieux jusqu’alors insoupçonnés. Pour que nous cheminions
ensemble. Le temps d’une histoire…
Cyril Durr